Rats On Rafts

 

« I hate Rock’n’Roll! »

 

Dans le valeureux combat mené depuis des années par nombre de musiciens et de journalistes contre ces fichues étiquettes, je vous présente Rats On Rafts. Ils sont jeunes, ils sont moches et ils ne demandent qu’une chose : faire de la musique en toute liberté et accessoirement raconter des conneries pour se marrer entre potes. Jusqu’ici tout va bien.

Supersonic : Comme vous êtes un groupe de rock’n’roll hollandais (ce qui va s’avérer par la suite complétement faux, NDR), vous avez sûrement grandi en écoutant de la Dutch Beat ? (le garage 60’s loca, NDR)

David Fagan (chant, guitare) : Non pas du tout, on a grandi avec beaucoup de trucs anglais. Bien sûr on connaît les grandes figures de la Dutch Beat comme Shocking Blue mais ça a jamais été une référence. D’ailleurs beaucoup de gens en Hollande n’en sont pas si fiers. Oui certains trucs sont cools, il y a Golden Earring.. La vérité c’est que je déteste le rock’n’roll.

Supersonic : (rires) Ok, en fait je voulais juste en savoir plus sur la Dutch Beat mais tanpis.. (rires)
David Fagan : (rires) I hate rock’n’roll !!

« Comme la ville est un des plus gros ports du monde ça fait sens.. Il prenaient 3 morceaux de métal et il en faisait une batterie. »

Supersonic : (rires) Ok je note. Cette fois je suis sûr de pas me planter parce que je l’ai lu sur votre site, vous êtes un pur produit de la scène de Rotterdam, votre ville ?

David Fagan : Oui, il y a toujours eût une grosse scène punk rock à Rotterdam, notre ingénieur du son Chris’ vient de ce milieu là, du coup on est en plein dans cette lignée.. Pour te citer les principaux groupes de la ville qui nous ont inspiré, il y a The Rondos, plus récemment The Ex. Il y aussi Kiem, qui étaient connus pour fabriquer eux-mêmes leurs batteries avec des vieux débris de bateaux. Comme la ville est un des plus gros ports du monde ça fait sens.. Il prenaient 3 morceaux de métal et il en faisait une batterie. A côté de ça ils avaient des synthés analogiques assez modernes pour l’époque et un joueur de saxophone.. Une légende à Rotterdam, encore aujourd’hui.. Et ils ont été parmi les premiers à tordre le punk rock pour en faire un truc encore plus original, quelque chose d’assez bizarre totalement reliée aux folles années 80.. N’est-ce pas Arnould ?

Arnould Verheul : Oui, et d’ailleurs ils étaient très populaires en France.. « je déteste jouer en plein jour »

David Fagan : Oui ils ont eût un hit, The Moneyman, qui a cartonné dans le nord de votre pays.. Après on a aussi écouté beaucoup de New-Wave et de Post-Punk du monde entier, d’abord les anglais, ensuite les américains et puis les allemands.. Des groupes français aussi, les Honeymoon Killers et Mary Goes Round, un groupe de shoegaze complétement obscur.

« Il y a un plat précisément qui s’appelle « Rats On Rafts. »

Supersonic : Le nom « Rats On Rafts » c’est une référence au mouvement punk ? Cette idée de déchets, de saleté ?

David Fagan : Oui, on peut dire ça. Les rats sont plutôt sales, ils y en a beaucoup à Paris je crois. En réalité il y a une histoire précise derrière ce nom, Arnould tu la racontes ?

Arnould Verheul : Ouais ça se passe en Irlande dans les années 1850. On est en temps de guerre et il n’y a plus de cochon à manger, la ville est aux mains des rats qui croupissent sur les toits. Alors qu’est-ce qu’on fait dans ces cas là ? On mange les rats ! Et il y a un plat précisément qui s’appelle « Rats On Rafts ».. On n’a pas encore goûté par contre ! (rires)

« On joue la nuit entourée de couleurs sombres, cradingues comme du vert bizarre et des nuances de violets. Comme ça tout le monde a l’air malade. »

Supersonic : (rires) J’espère pour vous. Si je vous dis garage ou post-punk ça vous parle ?

David Fagan : On est pas forcément un groupe de post-punk, et encore moins un groupe de garage..

Supersonic : Vous vous en foutez, n’est-ce pas ?
David Fagan : Oui un peu, j’écoute des choses très différentes.. Après oui on écoute beaucoup de vieux rock, de post-punk bien sûr et même de garage puisqu’on reprend Jay Reatard, qui était très inspiré par le punk aussi..

Supersonic : Ok, j’ai compris (rires). A en croire vos pochettes et vos photos promo, vous êtes aussi influencés par le mouvement psychédélique ?

David Fagan : Oui, toutes ces projections inventées dans les années 60, ce côté visuel présent dans les premiers Pink-Floyd, et chez Hawkwind. On a un vieux projecteur sur nous, on va l’utiliser ce soir.
Supersonic : L’aspect visuel compte aussi pour vous.

David Fagan : Totalement, je déteste jouer en plein jour. On joue la nuit entourée de couleurs sombres, cradingues comme du vert bizarre et des nuances de violets. Comme ça tout le monde a l’air malade. Tu trouves que ce qu’on fait est weird?

Supersonic : Comme des rats ! Donc vous aimez la musique sombre ?

David Fagan : (rires) Oui, je crois.

Supersonic : Pourquoi, à votre avis ?

David Fagan : Je ne sais pas.. C’est souvent plus intéressant, plus bizarre.. (weird, sic)

Supersonic : Ah voilà un terme pour vous définir, weird !

David Fagan : Oui, je préfère ça que punk.. post-punk.. Enfin non je ne suis pas sûr.. Il se tourne vers son pote :

David Fagan : Arnould, tu trouves que ce qu’on fait est weird ?

Arnould Verheul : Euh je sais pas, par contre je trouve que tu es weird ! (rires) Non je rigole, la plus weird c’est notre bassiste. Ils se tournent vers elle.

David Fagan : Tu es weird ?
Pris au dépourvue, elle rétorque tant bien que mal: Oui, aussi bizarre qu’un rat ! (rires)

Supersonic : A propos de votre chanson Last Day On Earth, l’apocalypse c’est pour bientôt ?

David Fagan : Non c’est ironique, ça sonne comme un mauvais film de science-fiction, d’ailleurs je crois que ça vient vraiment d’un mauvais film de sci-fi. En fait on a fait la chanson et ça sonnait terriblement comme une version weird et amateur d’un film de sci-fi, les paroles n’ont rien à voir avec ça.. Je n’aime pas du tout la science-fiction. « la pire version possible de Some Velvet Morning ! »

Supersonic : Vous avez publié récemment une reprise de Lee Hazlewood qui est assez surprenante..

David Fagan : C’est une des plus belles chansons que je connaisse.. On a commencé à la jouer comme une blague et de toute façon comme c’est une très belle chanson on ne pouvait en fair qu’une mauvaise reprise, et c’est exactement ce qui s’est passé : on a fait la pire version possible de Some Velvet Morning ! (rires)

Arnould Verheul : Oui, parce qu’on l’aime beaucoup. Il chante la partie de Lee Hazlewood et moi je fais Nancy Sinatra, j’essaie de chanter comme une femme qui essaierait de séduire son public. (la vérité c’est qu’il beugle, NDR).

« Essayer de créer une sensation de contraste entre nos deux esthétiques. »

Supersonic : (rires) Votre dernier album est assez original puisque vous l’avez fait avec un autre groupe, The Kift. Un seul et même album fait par 2 groupes, c’est plutôt ambitieux non ?

David Fagan : Oui, c’est un disque très contrasté. L’idée était de composer de nouveaux morceaux avec différentes choses qu’on avait accumulés chacun de notre côté pour essayer de créer une sensation de contraste entre nos deux esthétiques. The Kift qui est un brass-band avec un côté assez clean et puis nous avec notre son noisy et..

Supersonic : Et weird.

David Fagan : (rires) Non plus sérieusement, c’est vraiment intéressant de confronter deux approches, pour établir un contraste.
Supersonic : Oui c’est super, par contre on ne va pas pouvoir l’entendre ce soir, alors que c’est votre dernier album..

David Fagan : Non c’est clair, on n’est pas venu avec eux cette fois. Mais ça va être l’occasion de vous jouer nos nouvelles chansons, que à nous !

« Ne touchez pas mon synthé ! »

Supersonic : En parlant de nouvelles chansons, comment vous procéder pour les écrire généralement ?

David Fagan : On joue ensemble 2/3 fois dans la semaine et on garde les meilleures idées qui ressortent pour faire des chansons. Souvent ces idées là viennent quand on est seuls chez soi, à toi après de les imposer au groupe !

Supersonic : Vous aimez l’esprit « live » même pour enregistrer ?

David Fagan : Un peu les deux, on fait des démos et après on aime bien les arranger en studio. D’ailleurs certaines peuvent être cools à écouter et à côté de ça sales en live.. Et inversement d’autres plus fortes en live que ce qu’on a pu en faire avec la table de mixage..

Supersonic : Mais globalement vous êtes plus un groupe de « live », non ?

David Fagan : Oui je pense mais à l’avenir j’aimerais qu’on se concentre plus sur l’enregistrement.

Supersonic : Vous ne risquez pas d’être moins instinctifs, et de trop penser ?

David Fagan : Oui c’est vrai, c’est très dangereux de trop penser. La musique est basée sur des émotions, c’est même le centre de la création je pense.

Arnould Verheul : Je suis totalement d’accord, d’ailleurs ça se voit quand un groupe pense trop, le résultat est très chiant.

« C’est un label anglais et c’est le meilleur qu’on ait jamais eu! »

Supersonic : J’aime bien le nom de votre label, Fire Records ? Ils sont cools ?

David Fagan : Ouais c’est un label anglais et c’est le meilleur qu’on ait jamais eût. Ils nous soutiennent toujours, même quand on se retrouve dans une bagarre.. Le patron est plutôt imposant.

Supersonic : (rires) Quel genre de combat ?

Arnould Verheul : Une fois un mec dans le public a essayé a plusieurs reprises d’appuyer sur les touches de mon clavier, et je lui ai fait comprendre qu’il n’avait pas à faire ça. J’allais commencer une partie de synthé quand il a touché mon instrument.. Il ne faut pas faire des choses comme ça.

« C’était donc une grande motivation de monter un groupe pour créer la musique qu’on voulait écouter. »

Supersonic : Dernière question : pour quelle sordide raison avez-vous décidé de faire de la musique ?

David Fagan : Peut-être parce que je ne sais pas faire autre chose. Plus simplement j’ai toujours écouté beaucoup de musique et à un moment j’ai eût envie d’en créer moi-même. Quand on était jeunes on ne se retrouvait pas trop finalement dans la plupart des groupes de notre âge qui jouaient autour de nous.. C’était donc une grande motivation de monter un groupe pour créer la musique
qu’on voulait écouter.

Supersonic : Vous vouliez créer quelque chose de vraiment nouveau ?

David Fagan : Oui quelque chose qui n’existait pas avant, et c’est toujours une grande motivation.

Supersonic : Pourquoi vous ne chantez pas en hollandais ?

David Fagan : J’ai déjà essayé mais j’ai vraiment l’air d’un abruti.. Et puis ma mère est irlandaise donc je n’ai aucun problème à chanter en anglais.

Supersonic : C’est exactement la réponse que je voulais entendre ! (rires). Quelque chose que vous voudriez dire au public français avant de le frapper ?
David Fagan & Arnould Verheul : Ahahah ! Ne touchez pas mon synthé !

Maxime Jammet pour Supersonic
Interview réalisée le 20 Février 2017