Nouvelle pause histoire de terminer le poulet. Là-encore nous n’avons évidemment pas arrêté la discussion, qui reprend sur le pourquoi du comment c’est finalement devenu un duo synthé/voix.

Mona Soyan : Au départ on avait un batteur, on avait même un saxo a un moment donné.. Mais ils venaient pas aux répéts, ils étaient défoncés.. Au fur et à mesure, naturellement on s’est retrouvé tous les deux. C’est nous qui avions envie de jouer le plus.. On s’est retrouvé dans des lieux plus petits c’était plus facile, on avait plus de batteur, juste une boîte à rythmes.. On avait plus besoin de jouer dans des caves ou dans des garages, on pouvait jouer dans un salon.

Supersonic : Vous pouviez répéter à peu près partout ?

Mona Soyan : Oui, on a même répété dans la chambre d’un copain pendant longtemps..

Spatsz : C’était des moyens rudimentaires, les débuts du home-studio..

Supersonic : En fait vous vous êtes retrouvés à deux parce que les autres n’étaient pas sérieux. Mais vous auriez très bien pu devenir un groupe guitare/basse/batterie ?

Mona Soyan : Oui c’est vrai, on aurait pu.. A un moment donné on travaillait avec un guitariste, et on a changé d’avis au dernier moment.

Spatsz : Oui, après j’aimais quand même les boîtes à rythmes, bidouiller tout ça.. Utiliser les machines pour les machines, faire des choses qui sont injouables avec une batterie. Faire des tempos ultra-rapide, expérimenter..

Supersonic : C’est quand même moins fatiguant ?

Spatsz : Je sais pas, on passait des heures et des heures à trouver des sons, à les écrire et les mémoriser pour pouvoir les rejouer. Expérimenter, c’est un peu comme l’informatique, même si tu connais bien un logiciel tu es toujours en expérimentation avec. La synthèse analogique c’est ça, tu es toujours en expérimentation, tu dois toujours trouver quelque chose qui va t’amener ailleurs.. C’est pas spécialement reposant !

Supersonic : Sur votre dernier album « Ego Eye », le morceau So Bad me fait penser à du Talking Heads, du punk avec des accents pop assumés. Vous en pensez quoi ?

Mona Soyan : T’es le premier qui nous le dit, je trouve ça intéressant ! (rires)

Spatsz : On a fait ça pour rigoler, c’était une joke au départ, et puis on a été jusqu’au bout. Ce morceau là en particulier. On avait juste le thème et on est arrivé en studio comme ça..

Supersonic : Tout s’explique ! Avec votre formation en duo synthé/chant, vous étiez un peu les Elli & Jacno underground ?

Mona Soyan : (rires) On les connaissait pas à l’époque.

Supersonic : C’est exactement le même line-up et le même mouvement, mais vous vous étiez plus dark.

Spatsz : On était en province, on participait pas vraiment à la scène parisienne, à part sur quelques concerts.. On était dans cette mouvance là ouais, des duos qu’on appelait groupe en fait.. On s’en foutait, on était un groupe comme les autres.

Supersonic : Vous êtes adeptes des performances, plus que de simples concerts ?

Mona Soyan : Oui, au départ les premiers concerts on jouait derrière un grillage, parce que le concert était une performance mais aussi par provocation, et parce qu’on savait pas comment les gens allaient réagir. Et puis il y avait tout un mouvement plus global dans l’art, la bande dessinée.. Donc on s’est retrouvé à faire des performances dans des lofts où il y avait des expos en même temps..

Spatsz : Oui ça se faisait beaucoup, on mélangeait un peu tout. Mais c’était bien particulier aussi, c’était pas simplement des toiles.. C’était conceptuel, pour te donner un exemple une personne avait mis un tas de sable au 4e étage, avait perçu un petit trou et le sable descendait comme ça d’un étage à un autre.. C’était le côté performance oui..

Mona Soyan : On a aussi participé à un film indépendant  « Public Maniac », et après au festival de théâtre de Nancy on jouait la musique en live pendant la projection..

Supersonic : C’était de l’improvisation ?

Mona Soyan : On avait des thèmes et on pouvait improviser oui, un peu comme le jazz. On était ouvert à plein de choses.

Spatsz : Oui, surtout au début de Kas Product. On est même intervenu aux Beaux-Arts en tant que concert et performance dans les Beaux-Arts ! Et pour la petite histoire on donnait les disques à l’entrée et les gens n’en voulaient pas, ils comprenaient pas ! A l’époque ça se faisait pas de filer les disques. C’était même pas pour la promo c’était un concept nouveau quoi..

Mona Soyan : Aussi on s’amusait à enregistrer des bandes pour passer entre les morceaux.. Aujourd’hui on utiliserait des samples, mais nous on créait des histoires sonores.. Des interludes avec des bruits de guerre, de gens qui se parlaient ou se criaient..

Supersonic : De la musique concrète.

Mona Soyan : Oui, exactement.

Supersonic : Vous refaites plein de concerts, d’où ma dernière question, fatalement : le disque c’est pour quand ?

Spatsz : Oui, pourquoi pas.. Ça serait bien..

Supersonic : Si un producteur qui s’y connaît dans votre style de musique vient vous voir et qu’il a un projet intéressant, qu’est-ce que vous lui diriez ?

Spatsz : Oui, il faut qu’il ait un projet intéressant. Vraiment ça dépend du projet..

Mona Soyan : On a jamais travaillé avec un producteur. C’est toujours intéressant de travailler avec des gens compétents dans leur domaine. Si l’occasion se présente, pourquoi pas ? En fait on a des nouveaux morceaux mais la question c’est : aujourd’hui, comment on enregistre, comment on produit ? Peut-être qu’on les jouera sur scène tout simplement.

Supersonic : Des morceau écrits ces 15-20 dernières années ? Vous n’avez rien sorti depuis 88..

Mona Soyan : Oui, on pourrait rassembler, on a écrit des choses même récemment. Mais l’idée ça serait de les faire en live, pas un disque ! C’est deux démarches opposées, quand tu joues des morceaux sur scène ils prennent une autre vie, une autre dimension !

Spatsz : On en a plein de trucs.. Mais oui un disque ça fige les choses..

Supersonic : Ou sinon faire un album live du coup ?

Spatsz : Oui, peut-être, improviser, se laisser-aller. Parce que quand on fait un album on devient spectateur de sa musique, on devient pointilleux.. C’est bien de faire les choses dans l’urgence, ça a toujours été ça notre identité.

Maxime Jammet pour Supersonic
Interview réalisée le mardi 15 novembre 2016