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CHARLES DE GOAL

« Interview Répétitive »

La conversation qui suit est à mi-chemin entre le journalisme et un sketch des inconnus. Alors que notre échange touche à sa fin, je me rends compte que l’enregistrement n’a pas démarré.. Après une gêne de quelques secondes, c’est reparti pour un 2e round au final plus cool où il est question de Danger Records, de lutte des styles et d’une femme paumée à la Sacem, le tout ponctué de salves de fous rires incontrôlés face au grotesque de la situation.

Supersonic : Bon donc reprenons.. Danger records, on va y arriver..

Charles de Goal : (rires) Donc c’est le label de 3 personnes, Ivan ancien patron du magasin Born Bad, Jeremy qui était vendeur chez Born Bad et puis moi-même. Ca me permet de sortir mes disques et puis voilà.. (rires) Le prochain sortira peut-être sur Danger Records d’ailleurs..

Supersonic : Ok, bon on va essayer de reprendre au début, tu vas encore plus rire comme tu connais déjà les questions. On dit que tu es le pionnier du post-punk français.. (rires)

Charles de Goal : (rires) Alors comme je le disais précédemment.. (rires) ça va être dur ! (rires) Euh pionnier c’est un mot un peu fort et puis « post-punk » ça existait pas c’est un terme qui a été trouvé après.. Nous on considérait qu’on était toujours dans le mouvement punk.. Même si des gens comme Wire, Gang Of Four avaient détourné le punk pour en faire quelque chose de plus barré et de plus intello, mais on disait pas que c’était du post-punk.. A la limite on aurait pu dire que c’était de la new-wave, et encore c’était plutôt les « nouveaux romantiques », Depeche Mode et compagnie..

Supersonic : Intéressant. Le nom de ton groupe est donc une référence parodique à un ancien président bien connu. Tu peux me raconter l’historiette de la Sacem ?

Charles de Goal : Ouais donc  j’ai pas eu d’ennui avec la famille du président. Le petit fils en était même amusé.. Par contre le seul moment où j’ai eu une emmerde c’est quand je suis allé déposer le nom à la Sacem, la nana a tiré une tronche pas possible avant de me dire : « 2 minutes je reviens, je vais voir si c’est possible ». (rires) Bon finalement elle est revenue et m’a dit que c’était « OK ». Y’a eu un petit moment de flottement quoi.

« Faire de la musique dans son coin »

Supersonic : La blague avait marché. Sinon la température aujourd’hui.. (rires)

Charles de Goal : (rires) Oui ! Comme je te disais, la chaleur ça ne réussit pas aux vieux donc j’ai du mal (rires).

Supersonic : (rires) C’est « hot-wave » aujourd’hui. (rires)

Charles de Goal : (rires) Ouais c’est pas très « cold ».

Supersonic : Plus sérieusement, durant des années t’es resté enfermé chez toi à faire de la musique, sans faire de concert. Pourquoi ?

Charles de Goal : Tout simplement parce que je ne savais pas jouer. (rires) Non je faisais tout « tout seul » au début, du coup je me voyais pas faire ça sur scène avec juste les machines, ça me faisait chier.. Je me voyais pas non plus monter un groupe : ça me faisait chier aussi.

Supersonic : (rires) De toute façon l’idée de « Charles de Goal » à la base c’était de pas faire de groupe..

Charles de Goal : Non c’était surtout l’idée de faire de la musique dans son coin. Il s’est avéré que j’ai amené les bandes à « New Rose » et ça leur a plu..

Supersonic : Parlons de « New Rose » justement, qui a un catalogue incroyable..

Il repense à ce qu’il a déjà dit à peine quelques minutes auparavant avant d’éclater de rire. Il reprend :

Charles de Goal : Alors y’avait deux têtes pensantes chez New Rose.. (rires) D’un côté Patrick Mathé.. (rires) qui lui était versé dans tout ce qui était américain genre Gun Club, Dead Kennedys ou même des trucs limite Cow-Boys comme Calvin Russel à Austin.. De l’autre côté y’avait Louis Thevenon qui s’occupait justement du « post-punk » français..

Supersonic : Ok, c’est lui qui est venu te voir j’imagine..

« Le vrai Charles de Goal est né à la fin des années 2000 »

Charles de Goal : Oui si Charles de Goal est sorti sur New Rose c’est grâce à lui. C’est vrai que c’est un label qui a eu une aventure incroyable.. Un des tout premiers labels indépendants français.. Et ça a bien marché quand on voit que mon premier disque s’est vendu à 15 000 ex, pour l’époque c’est énorme !

Supersonic : Donc un beau jour de 85 tu sors pour la première fois de ta caverne platonicienne. Qu’est-ce qui se passe à ce moment-là ?

Charles de Goal : Ouais je me suis dit qu’il était temps d’affronter le public sur scène pour vaincre ma pudeur et ma timidité. J’ai donc monté un groupe mais j’ai jamais été très content du résultat.. C’était trop « new-wave » justement, ils n’avaient pas compris l’esprit de Charles de Goal.

Supersonic : Ouais et le plus incroyable c’est donc que tu as finalement trouvé la bonne formule en live 20 ans après..

Charles de Goal : C’est ça, en 2007.. Peut-être qu’il fallait ce temps là pour que ça repose et que ça revienne.. A l’époque c’est aussi moi qui n’est pas su bien leur expliquer ce que je voulais. Mais oui le vrai Charles de Goal sur scène est né à la fin des années 2000.

Supersonic : C’est dingue. Entre ça et la compil de « Tiger Sushi » So Young But So Cold, ça a relancé la machine à fond là.

Charles de Goal : Ouais tout à fait, en fait on a ressorti le 1er album « Algorythmes » chez « Studio Garage » qui a réédité plein de vieux trucs punks français des 80’s comme Bonaparte, Jad Wio.. On  a mis sur pied un concert pour promouvoir la sortie dans l’idée de faire un « one shot » et puis c’était bourré à craquer.. à La Flèche D’Or..

Supersonic : Comment t’as fait ?

Charles de Goal : (rires) Je ne sais pas.. Tout de suite après le concert des promoteurs sont venus nous voir pour des propositions de concert en Allemagne, un peu partout.. J’avais enfin trouvé les musiciens qui me convenaient.. Depuis on a pas arrêté !

« On a sorti un disque mais personne ne le sait »

Supersonic : Cool. Et tu viens de ressortir un album sur ton label Danger Records mais personne ne le sait. (rires)

Charles de Goal : (rires) Dis-toi que certains disquaires ne le savent pas plus que toi !

Supersonic : (rires) J’en profite donc pour passer un message : Charles de Goal cherche un assistant de promotion. Bon je reviens sur mes questions chiantes du début : Modem, et non Modern, n’est donc pas du tout un hommage à Alan Vega ?

Charles de Goal : Non. Après on s’est peut-être retrouvé dans l’air du temps, dans la manière de traiter les guitares. Par contre contrairement à lui j’ai toujours préféré les guitares un peu sèches, j’enlève toujours la reverb’ et les effets. On s’est plus retrouvé sur une manière de jouer « néo rockab ».

Supersonic : Ok Vega on dégage. Pour continuer sur les questions chiantes : Radio On n’est donc pas un hommage aux Modern Lovers..

Charles de Goal : Non même si j’aime beaucoup sa chanson Roadrunner à laquelle tu fais référence.. C’est inspiré par un film anglais de la fin des années 70’s, un film en noir et blanc sur une déambulation en bagnole en Grande-Bretagne avec une apparition de Sting..

Supersonic : Ok, c’est quand même le thème que la chanson de Richman, marrant.

Charles de Goal : Ouais, comme je passais beaucoup de temps en voiture sur le périphérique (rires).

Supersonic : Ouais on a pas tous des magnifiques routes qui vont à New-York… Du coup le côté répétitif qui caractérise beaucoup ta musique n’est pas une satire de la société moderne à la manière de Chaplin ?

« Être dans l’air du temps »

Charles de Goal : Non justement, c’était plutôt l’idée d’être dans l’air du temps, dans son époque. Prendre en compte ce qu’on devient et l’appliquer à la musique. D’ailleurs j’ai toujours aimé la musique répétitive, je suis même fan’ de compositeurs contemporains comme Steve Reich, Philip Glass. Effectivement au bout d’un moment ça peut devenir chiant si c’est trop répétitif..

Supersonic : Comment faire de la musique répétitive pas chiante ?

Charles de Goal : (rires) Quand tu sens que ça devient chiant tu t’arrêtes. (rires) J’ai d’ailleurs fait un morceau qui s’appelle Ambiance Répétitive. Non mais y’avait aussi un côté « intello » dans tout ça, avec un arrière côté littéraire.. Et artistique.. je me la pète !

Supersonic : T’as raison c’est le moment. Bon comme je disais monter un groupe de cold-wave aujourd’hui c’est plus très moderne..

Charles de Goal : Non, je vois pas trop l’intérêt en fin de compte.

Supersonic : (rires) C’est quoi alors la prochaine révolution musicale ?

Charles de Goal : Y’a plus trop de choses qui innovent. Par contre y’a des gens qui s’inspirent de choses qui ont déjà été faites et qui font des choses très bien comme Frustration.  C’est des bons potes d’ailleurs on a joué y’a pas longtemps en Allemagne.. Alors je veux pas faire mon vieux con mais aujourd’hui.. En plus j’ai suivi toute l’évolution musicale depuis tout gamin.

Supersonic : On est dans l’époque où on refait ce qui a déjà était fait. Bon pour revenir à des choses plus gaies, après les rééditions les nouveaux albums, c’est quand le prochain.

Charles de Goal : Bon déjà y’en a 1 qui vient de sortir y’a 2 mois mais personne n’est au courant visiblement.. C’est un double-album qui réunit 2 disques, « Mobilisation » et « Résistance ».

Supersonic : Donc tu deviens engagé avec l’âge.

Charles de Goal : Tout à fait. Je trouve que c’est nécessaire par rapport à ce qu’il se passe en ce moment..

« Comment elle s’appelle l’enfoirée l’anglaise ? »

Supersonic : Qu’est-ce qu’il se passe en ce moment ?

Charles de Goal : (rires) Nos amis « trumpesques », « lepenienens », euh.. Comment elle s’appelle l’enfoirée l’anglaise.. (rires) Ces gens là font un peu peur et oui, il faut se mobiliser. La situation est plus grave qu’à l’époque, plus grave qu’elle ne l’a jamais été..

Supersonic : Super époque donc. Plus d’innovation, politique pourrie..

Charles de Goal : (rires) Non mais c’est de la redite. C’est répétitif ! (rires) Le problème c’est que les gens n’ont plus aucun intérêt pour l’histoire, alors que toutes ces choses se sont déjà passées.. Encore une fois je veux pas passer pour un vieux con mais..

Supersonic : Du coup je vais t’arrêter tout de suite. (rires)

Charles de Goal : (rires) Non mais j’ai toujours confiance dans les jeunes.

Supersonic : Tu ressors des albums, tu fais pleins de concerts, c’est quoi la prochaine étape pour Charles de Goal ?

Charles de Goal : Le cercueil. (rires) Non des concerts, d’ailleurs ce soir on joue au Supersonic. Et un prochain album qui sortira d’ici 2 ans max’. J’aimerais qu’il soit plus minimaliste et plus instinctif que celui qui vient de sortir. Des tournées, on jouera en Pologne à la rentrée dans un festival « batcave ». (rires)

Supersonic : (rires) Non c’est chiant les styles. Bon dernière question et un grand merci parce que t’as quand même fait deux fois la même interview (mais en fait c’était pas la même, NDR). D’ailleurs tu peux te la poser à toi-même comme je te l’ai déjà posée. (rires)

Charles de Goal : (rires) Je m’en souviens plus, tu vois.

Supersonic : Super ! Question de geek : ton synthé préféré ?

Charles de Goal : L’ARP Odissey. Et l’OMS aussi qu’était bien, c’était une petite valise.. (rires) On recommence ? (rires).

Supersonic : (rires) Une interview bien répétitive ! (rires)

Charles de Goal // « Mobilistation » + « Resistance » // Danger Records // 2017

Maxime Jammet pour Supersonic
Propos recueillis le 16 Mars 2017