KAS PRODUCT

 

Plongée dans les années 80 avec Kas Product, groupe culte de la scène cold-wave française qui a révolutionné avec quelques autres jeunes gens modernes les us et coutumes de la musique. Sorte d’Elli & Jacno underground avec un homme machine et une jolie chanteuse, le duo Spatsz/Mona Soyan nous retrouve au restaurant pour une conversation passionnante à cheval entre deux époques.

 

Supersonic : Vous étiez censés ne jamais revenir, je fais référence à votre chanson Never Come Back. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Spatsz : Non parce qu’on peut prendre le titre Never Come Back à l’envers. Nous on a jamais dit qu’on reviendrait pas. Le texte parle justement des « come back », c’est une histoire.

Mona Soyan : Never Say Never ! (rires) C’est une histoire de la fabrication des idoles, sur comment on fascine les gens.. Et cette idole à un moment elle se réveille, elle veut pas être cette image et elle a des choses à dire. C’est un peu du « Mind Control » des programmations, à Hollywood notamment. A l’époque ils créaient des mariages de toute pièce et il continuent à faire la même chose. Sauf que les gens ne le savent même pas.. Bref, c’est pour parler de ces manipulations médiatiques et culturelles.

Supersonic : Oui, c’est intéressant. En fait j’utilisais le titre d’une de vos chansons pour faire référence à votre propre carrière.

Mona Soyan : (rires)

Spatsz : Oui.. Non on pensait pas, c’est vrai.. On a arrêté sans vraiment arrêter, en 88. Après on a fait quelques trucs dans notre coin et puis en 2005 les Eurockéennes de Belfort nous ont demandé de refaire un..

Mona Soyan : Parce que ça demandait beaucoup de travail à Spatsz, il fallait qu’il refasse tout. Certains synthés de l’époque il les avait plus. Les programmations de boîtes à rythmes machin il fallait tout refaire..

Supersonic : C’était pas prévu donc ?

Spatsz : Non pas vraiment, mais on nous a demandé puis on l’a fait, ça nous a demandé 3 mois de préparation pour tout refaire justement. On en a fait deux comme ça, celui-là et un à La Machine du Moulin Rouge qui s’appelait La Locomotive à l’époque. Après on est reparti chacun de notre côté, et vers 2011..

Le serveur nous apporte les plats. Et surprise, les Kas Product sont des gros viandards ! Suprême de poulet à tous les étages.

Mona Soyan : Hum, ça a l’air bon !

Supersonic : Je voulais surtout parler de ce qui s’est passé en 88, la séparation. Est-ce que c’était pas un peu un suicide punk de jeunes gens modernes qui refusent de s’empoussiérer dans une carrière trop longue ?

Spatsz : Oui il y avait un peu de ça. On arrivait à un moment donné où on s’éloignait de plus en plus du but qu’on s’était fixé quand on a fait le groupe. Après 8-9 ans d’existence, on nous proposait des choses qui n’avaient plus rien à voir avec le départ..

Mona Soyan : On avait envie aussi de vivre d’autres choses. Le milieu de la musique c’est un petit milieu, et j’avais envie de vivre d’autres choses…

Supersonic : Donc avec cette idée de se saborder pour pas commencer à se faire manipuler par l’industrie musicale ?

Spatsz : Saborder non, ça serait un peu suicidaire. Non on avait juste envie d’arrêter au moins l’expérience un moment. Mais on a pas dissous le groupe non plus, ça a continué d’être réédité..

Supersonic : Oui mais le dernier album c’était 88. Avant le concert de 2005, vous avez fait quoi durant tout ce temps ?

Spatsz : Il y a eu différentes expériences.. De mon côté, j’ai travaillé sur des musiques de film, entre autres de Wim Wenders. J’ai travaillé aussi sur des musiques de publicité, des génériques..

Supersonic : Peut-être que là ça rapportait un peu plus d’argent aussi ?

Mona Soyan : (rires)

Spatsz : Oui c’est sûr ça rapporte, pour nourrir la famille c’est mieux. Mais Kas Product on a vécu, on a bien vécu aussi.. C’était pas anodin.

Supersonic : Pourquoi vous refaites des concerts ?

Mona Soyan : Parce qu’en fait.. On aime bien !

Spatsz : En ce moment le fait de sortir un disque on en voit partout.. Tout le monde sort son disque.. Nous ce qui nous intéresse c’est surtout de faire des concerts, c’est là où on est vrai..

Mona Soyan : C’est là où ça se passe, c’est une expérience.. Et pour l’aventure, cette année on a monté deux tournées à l’étranger.. Euh même trois ! On a joué aussi en Suède, dans les pays du nord. Amérique du sud 5 pays, et Amérique du Nord, des endroits où on avait jamais joué..

Supersonic : C’était comment la réception de votre musique ?

Mona Soyan : Extraordinaire. On savait pas qu’on avait des fans là-bas.

Spatsz : A Bogota par exemple on a joué en Colombie, c’était incroyable. Le public comment il réagissait.. Ils connaissaient les titres presque aussi bien que moi ! C’était assez exceptionnel.

Mona Soyan : En fait ce qui s’est passé, comme notre musique n’a jamais été distribuée là-bas, c’est un Dj local qui est revenu d’Europe avec un misérable disque. Il a commencé à passer ça et on est devenu assez connu comme ça ! Bon ils ont piraté..

Supersonic : Ils ont piraté mais ils ont diffusé..

Mona Soyan : Voilà (rires). Exactement !

Spatsz : Y’a des gros groupes qui passent dans les stades mais sinon des groupes comme nous.. Y’en a pas beaucoup qui s’aventurent là-bas, c’est assez compliqué, le voyage.. Au niveau des aéroports, des douanes..

Supersonic : Justement par rapport à ça : est-ce que c’est bien sérieux de faire encore du punk après 50 ans ?

Spatsz : C’est une question d’énergie.. Non et puis « punk » ça a été tellement galvaudé, aujourd’hui qu’est-ce que ça veut dire ? Personnellement j’ai connu l’explosion punk de 77, le post-punk après.. Mais bon parler de ça maintenant..

Mona Soyan : C’est justement maintenant qu’on a vraiment intégré l’attitude punk ! (rires) Je trouve que c’est génial parce que au fond de moi il y a toujours un côté anarchiste. « Pas de maître », ça ne change pas avec l’âge, et le punk c’était ça aussi..

Supersonic : Oui, c’est une idée politique.

Mona Soyan : Pas seulement, c’est spirituel. C’est la souveraineté de chacun. Le punk voulait détruire tous ces establishments, ce qu’on appelle « l’ordre établi ». Enlever toutes ces mascarades et aussi dénoncer. « God Save The Queen, The Fascist Regime » (texte des Sex Pistols), oui c’est vrai, putain de merde !

Supersonic : C’est plus actuel que jamais le punk, quand on voit l’évolution de la société.

Mona Soyan : Oui, exactement, ça a progressé dans le mauvais sens. Après j’ai l’impression que les gens ont plus de conscience aujourd’hui qu’à l’époque..

Supersonic : Et musicalement, le punk..

Mona Soyan : Pose ton truc là, et mange !