Après un court entracte culinaire où l’on a évidemment pas arrêté de discuter, c’est parti pour un 2e round qui n’a donc pas forcément de lien direct’ avec la fin du premier. Entre temps on a mangé en parlant de synthèse analogique..

Spatsz : La synthèse analogique c’est un système capricieux, pour l’accordage des synthés.. Tout ça ça prenait des heures et des heures..

Supersonic : Donc t’es pas forcément passéiste ?

Spatsz : Ben non parce que dans les salles maintenant t’as tout de suite 4 groupes + 2 djs.. Ils enchaînent.. A l’époque tu devais amener ton matos et tu étais le seul à pouvoir jouer, c’était « la soirée de machin ».

Supersonic : Justement tu peux me raconter comment c’était à l’époque ? Les concerts, les tournées ?

Spatsz : A l’époque pour tourner il fallait amener la sono, les éclairages.. Il fallait amener ce qu’on appelait des « châteaux », les camions 19 tonnes, pour tourner correctement.

Mona Soyan : La sono c’était des gros trucs !

Supersonic : Les salles fournissaient rien ?

Spatsz : Non, non. Déjà y’en avait très peu de salles. Quand on tournait en province on jouait dans des théâtres.. C’est comme les home-studios, ça s’est démocratisé, maintenant tout le monde a son studio. Dans les années 80 il fallait aller en studio et ça coûtait très cher.

Supersonic : On parlait de la tournée. Vous pouvez me raconter cette fameuse tournée avec Marquis de Sade ?

Spatsz : Eux ils avaient tout l’équipement, on est venu se greffer sur la tournée en 1ère partie. On avait aussi un peu de matos’ dans notre voiture..

Supersonic : C’était comment l’ambiance ?

Spatsz : Je sais pas ça dépendait des soirs.. On les voyait pas trop en fait, ils étaient assez occupés..

Mona Soyan : Ils étaient puants !! Ahah, non je rigole. Parfois les saxophonistes venaient dans notre voiture et on a bien rigolé avec eux. En tout cas c’est avec eux qu’on a eu le plus de rapports. Et notre amitié est restée bien après..

Supersonic : Est-ce que y’avait un journaliste qui suivait cette tournée ? Je sais que ça se faisait pas mal à l’époque..

Mona Soyan : C’est vrai que ça se faisait beaucoup, et ça se fait encore en Angleterre..

Spatsz : Oui il y avait Christophe Nick qui suivait la tournée pour R&F.. On peut en parler mais c’est vraiment le passé.. Y’a plus trop cette énergie là..

Supersonic : Votre nom, c’est bien en référence à la boisson « Kas » ?

Mona Soyan : Non, au fromage hollandais ! (rires)

Supersonic : C’est pas un détournement ironique d’un produit de grande consommation, comme le faisaient les punks ?

Moan Soyan : Non c’est un assemblage de lettres, prise en s’inspirant du Bauhaus.

Supersonic : C’est quoi le Bauhaus ?

Mona Soyan : Un mouvement dans les années 20, d’avant-guerre. Tout un mouvement esthétique, architectural, culturel.. C’est peut-être les débuts du surréalisme tout ça.

Supersonic : Oui d’accord, c’est lié au dadaïsme.

Spatsz : Oui, Bauhaus c’était en Allemagne et dadaïsme en France plutôt. Tiens regarde sur mon téléphone.

Il écrit les lettres « KAS » sur son pavé tactile et retourne l’écran à la verticale. Le mot « SEX » s’affiche.

Supersonic : Ça fait « Sexe ». Quelle horreur !

Mona Soyan : Oh ! (rires)

Supersonic : A l’époque faire des trucs avec des synthés et des boites à rythmes c’était révolutionnaire mais aujourd’hui tout le monde en utilise, des popeux aux psyché en passant par les puristes cold-wave. C’est quoi la prochaine révolution musicale ?

Spatsz : A l’époque oui pas mal de gens en utilisaient, mais très peu les utilisaient sur scène. C’était plus en studio. Les utiliser sur scène c’était compliqué de se balader avec toute la machinerie.. Nous on s’est aventuré là-dedans, alors qu’à l’époque c’était « guitare/basse/batterie ».

Mona Soyan : Les synthés avaient une particularité, tu mets ça dans un ampli ou dans des baffles y’a une fréquence très large au niveau des hertz et les sons.. C’était vraiment bien, ça avait une puissance incroyable.

Supersonic : Comme je disais oui à l’époque c’était nouveau, mais aujourd’hui tout le monde en utilise. C’est quoi la prochaine révolution esthétique ?

Mona Soyan : Je sais pas. Je pense qu’on va arriver aussi vers des nouvelles technologies.. J’ai vu une baffle l’autre jour avec 60 brevets dedans, c’est un tout petit truc qui crache 3000 watts sans saturation. Il y a aussi un monsieur qui a inventé le neurophone, tu le colles sur tes os et tu entends tout ce qui se passe à l’intérieur.

Spatsz : La technologie avec le digital elle évolue.. A mon avis ça tourne un peu en rond mais bon.. Ça évolue surtout dans le son, mais au niveau de la créativité musicale.. C’est plutôt au niveau de la créativité sonore.

Supersonic : A l’époque vous étiez so young but so cold, est-ce que vous vous êtes réchauffés avec le temps ?

Spatsz : Eh bah tu verras bien ce soir ! Oui peut-être avec les technologies qui sont beaucoup plus souples maintenant. C’est vrai qu’on faisait une musique froide parce que la musique était froide, et parce qu’on pouvait pas tout maîtriser.

Mona Soyan : (rires)

Supersonic : Le Supersonic est fait dans d’anciens ateliers industriels, c’est plutôt cohérent avec votre esthétique ?

Mona Soyan : Oui tout à fait. Supersonic, c’est très bien.

Supersonic : A l’époque justement vous avez joué dans des friches industrielles, des usines désaffectées ?

Spatsz : Oui on a joué dans des squats en suisse, même à Paris.

Mona Soyan : Des squats oui, à Strasbourg, à Rennes aussi.

Supersonic : Les squats c’est quand même pas mal le lieu de diffusion du post-punk à l’époque ?

Mona Soyan : Oui dans des lieux autonomes, parce qu’il n’y avait pas beaucoup de salles..

Spatsz : Ouais en France c’était les friches et à New-York par contre c’était plutôt dans les clubs..

Supersonic : En parlant de club, c’était Le Palace à Paris. Y’a plus vraiment de club comme ça, vous allez où aujourd’hui pour faire la fête, pour écouter de la bonne musique ?

Spatsz : Non c’est vrai y’a plus de clubs comme ça.. Maintenant ? Moi j’aime bien La Maroquinerie.. Non mais c’était une vraie émulation à l’époque, c’est plus la même chose..

Mona Soyan : Y’avait un mouvement musical, je sais pas quel est le mouvement aujourd’hui ?

Supersonic : Je sais pas non plus. Vous avez pas mal voyagé à l’époque. USA, Suisse, et ?

Spatsz : On est allé à Londres aussi, on va peut-être y retourner d’ailleurs faire la tournée des caves et des clubs de l’époque, où passaient tous les groupes de post-punk, le Soundgarden, Le New..