THE TELESCOPES

 

The Telescopes, c’est avant tout Stephen Lawry. Pionnier du mouvement shoegaze longtemps resté dans l’ombre des bien connus Jesus And Mary Chain, c’est donc en solitaire qu’il nous reçoit avant un concert nébuleux à souhait. Notre homme n’étant pas exactement dans son état normal, les réponses sont particulièrement inspirées et prophétiques.

 

Supersonic : La chanson Suicide c’est une référence au groupe Suicide ?

The Telescopes : La chanson Suicide ? Non c’est une référence à un vieux groupe des sixties, je ne me souviens plus lequel.. J’ai déjà eu ce genre d’idée et la musique me permet justement de les évacuer. A l’époque, j’étais à fond dans les compilations Pebbles de cette période, où tout le monde crie.. Si tu veux exprimer des choses il faut le faire vraiment..

Supersonic : C’est donc aussi sur tes propres sentiments noirs ?

The Telescopes :  Oui, évidemment.

Supersonic : Ça t’a fait quoi quand Alan Vega est mort ?

The Telescopes : Je ne suis pas un mec RIP, je m’en fiche pas mal. Je ne le connaissais pas et sa musique est encore là. De toute façon je n’écoute plus sa musique, peut-être que je me repencherai dessus un jour, je ne sais pas..

Supersonic : La chanson The Perfect Needle, c’est à propos de la drogue ?

The Telescopes : C’est à propos de rien en particulier, mais c’est à propos de beaucoup de choses en général..

Supersonic : Tu es passé par Creation Records, un label culte. La classe mec.

The Telescopes : J’ai fait ça moi ? Ah oui c’est vrai, mais tu sais j’ai travaillé avec plein de très bons labels, pour des raisons très différentes. Mais oui c’est un très bon label, c’était très excitant.

Supersonic : Tu es passé par un nombre incalculable de labels. Pourquoi ça ?

The Telescopes : Oui, et la plupart d’entre eux étaient même encore plus concernés que Creation par l’art, la musique.

Supersonic : En 1992 tu disais que tu voulais essayer « autant d’idées folles que possible » (as many mad ideas, sic), tu es toujours dans cet état d’esprit ?

The Telescopes : Oui, bien sûr ! Pourquoi je ne le serais pas ? (rires) Quand tu peux, pourquoi t’en priver ? Mais ça n’a rien à voir avec une posture psychédélique, je ne suis pas comme Franck Zappa qui voulait à tout prix être excentrique et bizarre pour ce côté psyché.. Je veux juste être libre ! Ressentir tout ce qui se trouve autour de moi.. Parfois les gens se demandent si il peuvent entendre de la musique dans les craquements des ressorts d’un lit, et bien oui c’est possible ! Vous n’êtes pas fous ! La musique est partout: dans les oiseaux, dans les arbres, dans le silence même.

Supersonic : Tu trouves l’inspiration partout ?

The Telescopes : Oui bien sûr !

Supersonic : Dans les toilettes aussi ?

The Telescopes : Dans les toilettes ? Oui c’est un espace très créatif ! (rires)

Supersonic : A ce propos, tu aimes la musique concrète ?

The Telescopes : Oui, c’est une idée intéressante et d’ailleurs j’en ai déjà fait l’expérience dans ma musique, à certains égards.

Supersonic : Certaines de vos chansons sont très kraut-rock.

The Telescopes : Oui, tu as raison.

Supersonic : Tu connais The Oscillation ?

The Telescopes : Hum, oui je crois qu’on a déjà partagé la scène avec eux.. Mais tu sais il y a tellement de groupes aujourd’hui..

Supersonic : Mais tu aimes le mouvement kraut-rock allemand des années 70 ?

The Telescopes : Je n’aime pas trop les mouvements. J’aime certaines choses qui font partie de ces mouvements, comme Can bien entendu, mais je suis loin d’aimer tout ce qu’ils ont fait. Je trouve qu’ils font trop de solos de guitare.. J’aime bien Faust aussi, certains trucs comme ça.. Quelle que soit la musique, les émotions sont très subjectives. Tu ne vas pas aimer une musique aujourd’hui mais demain ça sera la plus belle chose que t’aies jamais entendu.

Supersonic : Le wall of noise c’est quelque chose d’important pour toi ?

The Telescopes : Tu sais, on a fait des choses acoustiques très douces où le silence est aussi très important. J’aime bien les deux aspects. En ce moment on explore pas mal ce côté wall of noise c’est clair. Mais ça sera sûrement différent demain.

Supersonic : Tu aimes vivre dans le présent ?

The Telescopes : Oui, avec les sens éveillés, avec le plus de dimension et le plus de tension possibles.

Supersonic : Tu aimes bien expérimenter ?

The Telescopes : Pas toujours, parfois c’est très frustrant.. N’importe quel musicien « pop » expérimente, au début tu pars de rien et après tu construis une chanson.. L’expérimentation n’est pas réservée à une élite de musiciens un peu fous dans leurs laboratoires. C’est quelque chose de naturel. Après, certaines personnes creusent cette dimension, ils veulent rendre la musique plus ouverte.

Supersonic : Tu veux toujours faire quelque chose de différent, de nouveau ?

The Telescopes : Oui, et parfois c’est juste le résultat de la prospective.

Supersonic : C’est quoi pour toi le meilleur groupe de wall of noise ?

The Telescopes : The Telescopes, bien sûr ! (rires) Non pour moi ça serait The Velvet Underground mais je les ai jamais vu en live.. Pour moi, c’est les meilleurs.

Supersonic : C’est quoi ton album préféré du Velvet ?

The Telescopes : Hum..

Supersonic : White Light/White Heat bien sûr ?

The Telescopes : J’aime bien les trois premiers pour des raisons bien différentes.

Supersonic : Tu n’as pas eu de choc quand t’as entendu Sister Ray pour la première fois ?

The Telescopes : Oh bien sûr que si, mais j’ai eu des chocs plus importants avec des choses plus anciennes du Velvet que j’avais découvertes avant. Pour moi The Black Angels’s Death Song  a été un vrai choc, toutes ces influences mélangées, et les gars font pas les choses à moitié..

Supersonic : C’était quoi ton premier choc musical ?

The Telescopes : Hum… Peut-être PIL, peut-être les Sex Pistols, ouais parce que ça influençait toute la société et la culture dans la rue. La façon dont les gens refusent l’éducation et deviennent violents. C’est une chose terrifiante et dangereuse. Aussi dangereuse que l’IRA (armée irlandaise, NDR).

Supersonic : Justement, une de tes chansons s’appelle Violence.

The Telescopes : Oui, d’ailleurs on va la jouer ce soir, on va jouer une version très différente.

Supersonic : Cool. Et cette idée de violence est importante dans ta musique ?

The Telescopes : Non, ce qui est important est de refléter les choses de façon créative, pour que ça aboutisse sur quelque chose de positif. La chanson est positive, peu importe si le son est un peu violent. 

Supersonic : Ok. Il y a quand même une forme de violence dans ta musique.

The Telescopes : Il y a des rimes pour la violence. C’est quelque chose qui existe et qu’on veut transposer en positif. Personnellement j’ai grandi dans un environnement très violent, comme beaucoup de gens..

Supersonic : Tu n’as rien publié entre 1992 et 2002 : qu’est-ce qui s’est passé ?

The Telescopes : Une sale période. Les années 90 ont été très dures pour moi.

Supersonic : Par contre après tu as carburé dans les années 2000 avec pas mal de disques. L’inspiration était revenue ?

The Telescopes : Oui, j’étais bien entouré à ce moment là, les vibes étaient plutôt bonnes. Aussi grâce au développement de l’informatique je suis devenu beaucoup plus autonome. Il n’y avait plus de gens pour me dire comment ma musique devait être.

Supersonic : Tu peux me parler un peu de l’enregistrement de ton dernier album. Tu l’as fait avec Anton Newcombe c’est bien ça ?

The Telescopes : Non, ça c’est un autre projet qui n’est pas encore sorti. On a fait des trucs dans son studio après avoir terminé notre album Hidden Fields. On va le publier l’année prochaine.

Supersonic : C’est un ami à toi ?

The Telescopes : Oui, c’est un des plus grands fans des Telescopes, il a sorti une compilation de chansons à nous sur son label.

Supersonic : Vous avez repris une chanson de Nick Drake. Tu aimes la musique folk ?

The Telescopes : Certains trucs.. Je n’ai pas de préférence pour un genre en particulier, j’aime la musique tout simplement. Que ça soit folk, expérimental, hip-hop, noise.. J’ai choisi cette chanson parce que je l’aime bien, pas parce que c’est Nick Drake. J’ai choisi la chanson, pas Nick Drake.

Supersonic : Vous avez démarré au début des années 90 avec Jesus And Mary Chain et un journaliste a appelé cette nouvelle scène « shoegaze ». Est-ce que tu jouais vraiment en regardant tes pompes durant les concerts ?

The Telescopes : Quoi ? J’en sais rien mec ! On m’attend sur scène !

Maxime Jammet pour Supersonic
Interview réalisée le lundi 28 novembre
Photos : Kristin Groener, Brittany Solberg, Cyn Collins, Plan B, Nice N Sleazy.