VON PARIAHS
Avant qu’ils ne retournent le Supersonic avec une performance musclée, Sam Sprent et Théo Radière ont répondu avec franchise aux questions de notre journaliste maison. Entre deux tranches de saucisson, ils évoquent la Vendée, l’industrie musicale et les clichés du Wok’n’woll.
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Supersonic : Sur votre dernier album « Genuine Feelings » on voit un petit garçon qui pleure sur la pochette. C’est toi Sam?
Sam : Non c’est pas moi. Ca aurait pu parce qu’il me ressemble mais comme je l’ai déjà dit à pleins de gens qui m’ont déjà fait la même réflexion j’étais pas trop pleurnichard quand j’étais petit. Je le suis plus devenu depuis que j’habite en France, le côté un peu râleur qui a déteint sur moi. (Il est né à Jersey, NDR). Mais par contre ce garçon il nous correspond bien à nous tous et à cet album là. Théo?
Théo : Non c’est pas moi non plus.
Supersonic : En revanche est-ce que cette image représente le passage un peu difficile pour nous tous à l’âge adulte?
Théo : C’est une excellente analyse. Ouais je pense que chacun est libre d’analyser le truc à sa manière, c’est aussi ça la création, l’art. Tu t’es approprié le truc et ouais c’est une interprétation qui se tient.
Supersonic : Vous vous êtes donc rencontrés en Vendée. C’était pas trop chiant de grandir là-bas?
Sam : Ouais quand on était ados je pense qu’on trouvait ça assez chiant, parce que y’avait pas grand chose à faire. On se retrouvait souvent dans les mêmes spots, dans LE même bar à Fontenay-le-Comte. On voyait toujours les mêmes personnes donc on a quand même eût envie de se barrer assez tôt. D’ailleurs on s’est barré à La Roche s/ Yon.
Supersonic : Vous parlez de ça dans vos chansons? Notamment le premier album?
Théo : Under The Gun..
Sam : Ouais Under The Gun par exemple, ouais y’a des morceaux qui parlent vraiment de ça en particulier. Après l’album en général c’est vraiment un « best-of » de morceaux qu’on a fait pendant 4-5 ans.
Supersonic : Le Rock en vendée c’est comment? Vous êtes un des seuls groupes que je connaisse.
Théo : Si en fait y’en a pas mal des groupes de rock vendéen, c’est juste que.. Dans les années 90 on avait les Little Rabbits qui ont pas mal fait parlé d’eux, ils ont joué notamment avec Philippe Katerine, qui est vendéen aussi. Sinon je me rappelle avoir vu les Bikini Men à Fontenay à la Fête de la Musique. C’était du surf, donc les mecs habillés en catcher sur scène c’était bien bien délirant, bien trippant. C’est juste que les gens connaissent pas. Après ce qu’est pas évident pour un groupe de rock local c’est de sortir de Vendée justement, sauf si t’es jeune et que tu décides d’aller vivre dans une grande ville. C’est qu’on a fait et c’est ce qui fait qu’on a réussi à passer un cap’ (ils sont partis à Nantes, NDR).
Supersonic : La chanson Bike Crash c’est tiré d’une histoire vraie?
Sam : Ouais, en fait tous les morceaux en général c’est..
Supersonic : Auto-biographique.
Sam : Ouais, non parce que je parle pas forcément de mes expériences à moi, mais c’est au moins des expériences dont j’ai connaissance et dont j’ai pas de mal à parler. Je trouve ça plus facile de développer une histoire quand tu connais les émotions, que ce soit quelqu’un qui m’ait raconté quelque chose ou bien ma propre histoire.
Supersonic : D’où le titre de l’album « Genuine Feelings » (Littéralement « Vraies Emotions »)
Sam : Ouais tout à fait, c’est pas pour rien qu’il s’appelle comme ça l’album. Et Bike Crash c’est une histoire vraie, je me suis planté en vélo et le lendemain on s’est retrouvé en répét. Et voilà on a fait de la musique comme d’hab’ dans l’instant, moi j’ai fait les paroles là-dessus. Et les gars m’ont dit: « putain t’es tombé sur la tête, faudrait peut-être que t’ailles te faire checker quand même! ». C’est ce que j’ai fait après, j’ai passé l’aprèm à l’hosto.
Supersonic : La musique, le Rock’n’roll, c’est avant tout pour vous marrer entre potes? Dans un certain esprit punk.
Théo : Euh, c’est pour nous marrer ouais, mais pas que. C’est aussi tout simplement pour s’exprimer. Un des plus basiques du monde, mais c’est un moyen d’expression qui nous plaît. On a découvert ça assez tôt parce qu’on se connaît depuis longtemps. Comme on trippait tous à écouter de la musique, on a commencé à en faire quoi.
Supersonic : Pas que le côté « punk fun » donc.
Sam : Ouais ouais non, y’a du sérieux aussi. On revient toujours à la base où on est un groupe de potes et quand on fait de la musique ensemble on s’éclate. Mais y’a pas que ça, y’a aussi du sérieux, de l’ambition, et aussi une volonté de marquer un peu les esprits quoi. C’est pas pour rien qu’on bosse à fond nos morceaux et qu’on répète tout le temps. Quand on joue en concerts et qu’on sort des albums on a envie de marquer les gens.
Supersonic : Justement par rapport à l’ambition : vous êtes sur un label indépendant c’est bien ça?
Sam : Label indépendant ouais.
Supersonic : Ok, et ça vous dirait de signer sur une major ou vous vous en fichez?
Sam : On a déjà eût des contacts avec des majors mais ça s’est mal passé. Peu importe major ou indépendant, si ça se passe bien humainement et que les clauses du contrat ça nous va, on s’en fout que ça soit l’un ou l’autre.
Théo : Je pense que quand même on a une grosse culture indé, et je vois mal comment une major pourrait répondre à nos attentes.
Supersonic : Il y a un débat entre vous (sourires)
Théo : Non mais évidemment comme il dit, à partir du moment où on fait ce qu’on veut c’est l’essentiel. Mais voilà pour l’instant la maison indé ça nous convient bien.
Supersonic : C’est un véritable état d’esprit?
Théo : Carrément, et au final plus on avance plus on se rend compte que c’est ça qui nous convient.
Supersonic : Une trajectoire comme celle du groupe La Femme, c’est pas pour vous?
Théo : Ouais, après c’est une question d’occasions la vie aussi, d’opportunités. Un moment donné ils ont choisi de prendre cette direction.. Nous on aurait pu et finalement dans le contrat qui nous était proposé, on a discuté tous les termes, ce que je pense peu de groupes osent faire, et au bout d’un moment ça les a saoulé je crois! Nous on voulait pas lâcher et du coup ça s’est pas fait.
Supersonic : Vous avez pas d’autres dates de prévues après : vous allez repartir en hibernation? Je fais référence à la chanson Hibernation Blues.
Sam : (rires) Ouais ouais, mais avec le blues en moins cette fois. On bosse déjà sur des nouveaux trucs donc c’est excitant, et on prépare aussi des choses peut-être à l’étranger pour bientôt..
Supersonic : Tu m’as dit que tu as arrêté le cannabis. On peut donc être Rock’n’roll sans se droguer?
Sam : Ah bah ouais, le Rock’n’roll c’est un état d’esprit, on a pas besoin de se droguer pour « être rock’n’roll ». Je suis pas « anti-cannabis », je suis pas non plus « anti-tabac »..Enfin si, je suis un peu « anti-tabac » quand même. Parce que le tabac c’est pas pareil, ça altère pas ton esprit, c’est une drogue mais ça te permet pas vraiment de connaître autre chose.. De t’ouvrir comme le LSD, ou comme l’ecstasy ou le cannabis. Mais je pense que ouais, faut tout tester les enfants, mais essayer après 18 ans, parce que avant ça peut faire mal. Et ça on connaît parce que la Vendée c’est mal. (rires) Y’a pleins de produits toxiques qui traînent..
Théo : Non j’ai rien à ajouter.. Je crois qu’il a tout dit (rires).
Supersonic : Avec ton autre groupe Triceps tu remises les boots et autre chemises à jabot pour un bon vieux maillot de foot. C’est pour casser un autre cliché du rock?
Sam : Alors, non je ne parlerai pas de Triceps ici parce qu’on est avec Von Pariahs, j’ai plutôt envie de parler de Von Pariahs, et du Supersonic. On parlera de Triceps plus tard.
Supersonic : Vous vous intéressez pas mal au foot il me semble. Là-encore, vous êtes pas des rockers fermés d’esprit?
Théo : Ouais ouais, on est pas dans la pose c’est clair. On réfléchit pas à ce qu’on fait, pour avoir l’air de rockers ou pas.
Sam : On est des pariahs quoi! (rires)
Supersonic : Justement, cet oxymore « Von Pariahs » qui est plutôt marrant : ça vient d’un sentiment personnel d’exclusion sociale?
Sam : Bah ouais ouais, on se sentais pas vraiment inclut dans la société vendéenne à l’époque. Quand on a décidé de ce nom là, on était pas trop aimé par rapport à ce qu’on faisait, parce qu’on faisait pas de la chanson française ou du rock français.. Le pariah c’est quelqu’un de très bas dans la société et le « von » c’est qu’on a quand même beaucoup d’estime pour nous-mêmes.
Supersonic : Pour finir, votre concert préféré à Levitation?
Sam : Ben Thee Oh Sees, facile, comme je suis déjà fan’. J’ai déjà vu 6 ou 7 concerts du groupe, autant dans un bar que dans un festival comme Levitation. Je les ai vu à La Route du Rock aussi c’était pourri. Mais alors là c’était vraiment le meilleur, ils ont vraiment bien joué.. La setlist était top en plus. Yak c’était cool aussi, j’ai bien kiffé.
Supersonic : Un dernier mot à ajouter?
Sam & Théo : Euh…
Je leur viens en aide..
Supersonic : Burger Records? (c’est marqué sur son t-shirt)
Sam : Ouais, ça me va. J’adore les burgers et les disques aussi, et du coup j’ai trouvé un t-shirt où y’a les deux.
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Maxime Jammet pour Supersonic
Interview réalisée le 23 septembre 2016
Crédit : Titouan Massé, Gregg Bréhin