THE WARLOCKS
L’interview la plus rock’n’roll de la semaine est à mettre au crédit de The Warlocks. Tout aussi cultes que leur frère de sang Anton Newcombe et son The Brian Jonestown Massacre, les rockers psychés californiens ont reçu notre journaliste maison dans le tour-bus à 00h45. Sans leur leader Bobby Hecksher qui nous a posé un lapin mais avec deux guitaristes au meilleur de leur forme : Earl V. Miller & Corey Lee Granet, qui nous racontent de l’intérieur l’histoire d’un groupe miraculé.
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Corey Lee : Oh, super téléphone !
Supersonic : Ouais, merci (sourires). Vous sortez juste de scène, j’ai donc envie de vous demander : comment vous sentez-vous ?
Corey Lee : Plutôt excité à vrai dire, ouais !
Earl V. : C’est vrai on est plutôt éclatés mec.
Supersonic : C’était comment alors, racontez-moi ?
Corey Lee : C’était incroyable, un excellent concert. Un des meilleurs du mois sans problème ! Paris a toujours été très accueillant avec nous.
Earl V. : Ouais c’était dingue. La clé de notre succès c’est de faire des concerts gratuits ! On aime Paris mec.
Supersonic : C’est d’autant plus incroyable que ce concert a été décidé a la dernière minute. Que s’est-il passé exactement ?
Corey Lee : Ce qui s’est passé c’est qu’on avait un jour de repos dans la tournée et que c’est toujours mieux de faire quelque chose que de ne rien faire. Travailler c’est important, on a donc pas hésité une seule seconde. Trop de temps à ne rien faire vous rend fou.
Supersonic : J’ai parlé avec votre ami Anton Newcombe récemment. Vous avez de ses nouvelles ?
Earl V : Ouais je l’ai vu à Berlin récemment et le seul échange qu’on a eût c’était : « je suis dans le coin, bonne nuit ». (rires)
Corey Lee : (rires) C’est un homme très occupé.
Earl V : Anton est cool, on le croise régulièrement la nuit à Berlin mais oui, il est très occupé.
Supersonic : Je trouve ça incroyable que les Warlocks soient encore sur scène après 18 ans, qu’en pensez-vous ?
Earl V : C’est assez incroyable que le groupe soit encore en tournée. A chaque fois tu dois composer avec des individualités, tout le monde a sa vie et ses histoires ; dans ce contexte le fait de réussir à garder une dynamique est aussi incroyable que de voir une éclipse. Regarde par exemple Corey Lee est de retour, un autre membre du line-up de départ est revenu aussi..
Corey Lee : J’ai quitté le groupe en 2005, et je viens juste de le réintégrer.
Supersonic : C’est presque un miracle ?
Corey Lee : Je n’irai pas jusque là, mais tu vois par exemple c’est grâce à des endroits comme Paris qui nous accueillent.. On a trouvé une nouvelle maison en France ; vous nous avez tous si bien accueilli, et c’est aussi grâce à ça que l’on peut continuer à exister.
Earl V : Les gens te rappellent pourquoi tu fais de la musique, et tu oublies tous tes problèmes. Un concert comme celui de ce soir.. Quand je vois tous ces visages, ces sourires, ça remplit nos cœurs et ça nous rappelle pourquoi on fait ce qu’on fait. Tout le monde est un Johnny Watson dans ce groupe (bluesman légendaire mort lors d’un concert, NDR), tu arrives à la fin de la journée et la musique te prend comme un virus ; tu en reviens toujours à ça et quand tu vis ce qu’on a vécu ce soir.. Tu sais pourquoi tu es là.
Supersonic : La « Dead Generation » dont vous parlez dans l’album de 2013 est encore plus « morte » aujourd’hui, il suffit de regarder tous ces jeunes accrochés à leur smartphone. Y a-t-il encore de l’espoir ?
Corey Lee : Ce qui s’est passé ce soir nous prouve que les individus sont prêts à briser l’aliénation de la technologie sur l’être humain. Avec une vraie communion, une sensation de famille autour de la musique. Il n’y a pas beaucoup de choses qui peuvent briser cette aliénation mais la musique est très puissante. Dieu soit bénit, on est encore capable de casser ce mur de la modernité.
Earl V : Même nous dès qu’on a 5 minutes on saute sur notre téléphone et on en a plus rien à faire de nos amis. On est pas si purs ! (rires)
Supersonic : Votre nouveau label Cleopatra a sorti des pointures du rock psychédélique telles que King Crimson, Quicksilver Messenger Service, Tangerine Dream.. C’est un accomplissement pour vous ?
Earl V : Oui, c’est incroyable, on est très honorés de travailler avec eux désormais. J’étais dans le groupe ces 7 dernières années et on a jamais eût un soutien comme celui qu’on a aujourd’hui avec Cleopatra. Et quand tu regardes leur catalogue.. Quand on était gosse on a tous écouté des cassettes fantastiques et c’était marqué « Cleopatra », c’est vraiment un honneur de faire partie de cette aventure. En plus ils nous aident beaucoup et leur catalogue est très riche, très varié.. Beaucoup de trucs très cools et ils font le lien entre le passé et le présent, ce que je trouve très important.
Supersonic : Quand on pense aux années « Mute », ça fait un sacré changement ?
Corey Lee : Ouais putain ! Au départ ça paraissait flatteur de faire partie de ce gros label, avec tous ces supers groupes.. C’est beau sur le papier mais la réalité est bien différente.. Nous on a besoin d’un minimum d’attention, d’une vraie passion pour la musique.. EMI et « Mute », ils fabriquent aussi des munitions pour la guerre, des micro-ondes, c’est une gigantesque entreprise. Chez Cleopatra il y a une vraie passion, ce n’est pas que pour faire de l’argent. Ils sont plus purs.
Earl V : Corey a raison chez « Cleopatra » la musique passe avant tout le reste, c’est génial pour nous.
Supersonic : Sur votre dernier album, « Songs From The Pale Eclipse », je trouve la production plus direct’ et plus brute que sur les précédents, plus proches du BJM et des Rolling Stones que du mur du son rempli d’effets.
Earl V : Oui, c’est un concours de circonstances en fait. Tu sais on a enregistré 3 albums récemment mais c’est celui-ci qui est sorti. C’est vrai que c’est plus direct’, et c’est tout simplement parce qu’on a s’est fait volé une bonne partie de notre matos alors qu’on était en tournée sur la côte ouest, vers San Francisco. On avait déjà enregistré 8 chansons pour l’album..
Christopher ouvre la porte du van’ : « ah merde, vous faites cette putain d’interview ! Hahaha».
Earl V : Désolé, Chris’ est déjà en train de s’envoyer en l’air avec une française. Oui alors je te disais qu’on s’est fait volé tout notre matos’. T’as vu le live de ce soir il y a pas mal d’effets, de textures impliquées, et bien on avait perdu tout ça. Lorsqu’il a fallu enregistrer Bobby (Hecksher) a donc ressorti d’anciennes chansons plus brutes, plus dénudées (strip-down), et on a fait l’album comme ça. Cette histoire de vol a vraiment influencé le son de cet album ! Il n’y a plus de fuzz, plus de fioritures..
Supersonic : C’est moins le «wall of sound », c’est plus direct’, et personnellement j’aime beaucoup.
Corey Lee : Oh tu aimes ça ? Bienvenue dans le groupe !
Earl V : Je trouve ça cool, d’une certaine manière on revient à nos racines. Plus simplement, il y a des chansons à nouveau, c’est moins expérimental. Oui, très brut et simple.
Supersonic : «Heavy Deavy Skull Lover» et plus précisément «Skull Worship» : vous avez une fascination pour les crânes ?
Earl V : Depuis le début on m’appelle « Skoll », comme « cheers » en suédois.
Corey Lee : Skoll, Skoll, Skoll.
Earl V : Skoll, Skoll, Skoll, et on a transformé ça en « Skull ».. Non c’est une blague, on avait compris que tu parlais de crâne (Skull en anglais)
Corey Lee : Ouais, pardon. (rires) On est tous des humains, non ?
Supersonic : Je trouve que plus les années passent plus vous vous éloignez de votre allégeance revendiquée pour le « Velvet Undeground », à part le dernier du coup.
Corey Lee : Je n’ose même pas imaginer faire 11 albums « Velvet Underground » ! Tu te tires une balle dans ton putain de crâne ! (rires)
Earl V : Skoll, Skoll ! (il a perdu le fil, NDR)
Corey Lee : C’est dans notre sang de toute façon, on a grandi avec les Spaceman 3, avec le Velvet..
Christopher fait à nouveau irruption : « hey je cherche les warlocks ? », avant de refermer la porte en rigolant.
Corey Lee : Putain, il a les clés et tout ! Quel emmerdeur..
Earl V : Le prochain album on aimerait qu’il sonne comme du Franck Ocean.
Corey Lee : Oui !
Supersonic : (Rires)
Corey Lee : Non sérieusement, on adore sa musique. On adore Franck Ocean.
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Maxime Jammet pour Supersonic
Interview réalisée le 27 septembre
Photo 6 : Anna Aguirre